
Deux scandales secouent la planète depuis quelques jours. D’une part, les Pandora Papers, ces 12 millions de documents qui prouvent comment les puissants de ce monde défiscalisent leur argent en essayant, souvent, de fuir la fiscalité dont ils sont redevables. D’autre part, le rapport du CIASE, commandé par la Conférence des évêques de France pour faire la lumière sur les agressions sexuelles au sein de l’Eglise Catholique. Deux affaires apparemment éloignées l’une de l’autre, et qui nous éclairent pourtant fortement sur le monde où nous vivons.
Les journaux ne savent plus vers quel buzz se tourner : les Pandora Papers ou la pédocriminalité dans l’Eglise. Les deux sujets sont quand même vendeurs. Individuellement, ce serait du pain-bénit, mais là, les deux en même temps (sans oublier le scandale de Facebook), c’est presque trop. On pourrait se dire que ces deux affaires n’ont aucun lien. Et bien, je pense que si.
Elles font ressortir le monde d’avant. Un monde où l’on pouvait jongler entre l’éthique et la morale. Un monde où tout semblait permis à ceux qui détenaient un pouvoir, sans qu’ils ne puissent être inquiétés. Un monde où peu de personnes osaient dénoncer, craignant pour leur réputation, leur crédibilité et même parfois leur vie.
La vérité sort, et elle sort de façon brutale. Elle nous choque, nous emporte et nous mets en colère. Comment est-ce possible ? Comment tant d’enfants, les êtres les plus innocents qui soient, ont pu pendant autant d’années être des victimes, dans un lieu où ils auraient dû se sentir protégés, en sécurité ? Comment ceux qui nous dirigent, votent nos lois, régulent nos sociétés, ont-ils pu, sans être dérangés, faire fi de tout sens éthique et moral et continuer à nous parler d’économies, de dettes et de l’impériale nécessité de faire des efforts ?
Aujourd’hui, les faits sont dénoncés. Alors que l’on soupçonne les médias d’être des suppôts du pouvoir, a-t-on souvenir d’une époque où autant de choses ont-été dénoncées ? Les lanceurs d’alerte sonnent la fin de la récré et partout à travers le monde, les services de communication peinent à expliquer l’inexplicable.
Donc, dans ce nouveau monde, on dénonce. Est-il mieux que l’ancien ? Oui, car les coupables sont confrontés à leurs actes et devront, espérons-le, en répondre. Pour autant, faisons la différence entre ces deux séismes et la façon dont ils ont été dénoncés.
D’un côté, c’est l’ICIJ (Le Consortium International des Journalistes d’Investigation) qui a enquêté et nous a amené une information sourcée et disons le, de grande qualité, tant elle semble avoir été le fruit d’un travail conséquent et réfléchi. Mais les coupables en question, ou du moins les milieux auxquels ils appartiennent, ne s’en excusent pas. Il y a différents sons de cloche : les cyniques qui disent qu’ils dénoncent ces pratiques depuis longtemps, les silencieux, qui espèrent ne pas être les prochains à être dénoncés ou encore les hypocrites qui crient au scandale tout en étant ceux qui ont, par ailleurs, encouragé ces mêmes pratiques.
De l’autre côté, le rapport du CIASE, qui dénonce lui aussi plusieurs coupables et une organisation aveugle, a été commandé par l’Eglise elle-même. Il y a une démarche authentique de vérité, nécéssaire, et une volonté de mettre en place des mesures fortes pour que ces pratiques et cette culture du secret ne puissent plus jamais se reproduire. Il y a donc des regrets, des pardons, le Pape François parle même de “honte” et de “chagrin” face à une situation inacceptable. L’Eglise ne veut plus de ce monde d’avant. Si nous voulons d’un nouveau monde, il faut reconnaitre les fautes passées, punir les coupables et surtout avoir la volonté de changer les choses. Après la dénonciation de ces multiples optimisations fiscales, les paradis fiscaux vont-ils cesser d’exister ? A-t-on vu la volonté réelle de stopper définitivement ces pratiques ? Dénoncer, c’est bien. Mais ce ne sera toujours que le premier pas d’un très long chemin.