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Vaincre ou Mourir : regardez avant de discourir 

Le récit historique n’est pas un genre cinématographique simple à mettre en musique. On pourrait croire que c’est ce qui a poussé la critique à incendier Vaincre ou Mourir. Alors que cette fresque historique, avec un budget pourtant limité, nous permet de découvrir un moment peu connu de l’histoire de France. Avec un Hugo Becker méconnaissable mais excellent dans son rôle de leader d’hommes, téméraire et obstiné. 

Il y a deux semaines, après la chronique sur Astérix, un ancien collègue m’écrit. «  Tu pourrais pas nous faire une petite chronique sur Vaincre ou Mourir ? » Il considérait les critiques sur le film trop dures et injustifiées. En tant que sauveur de la veuve et l’orphelin, j’ai profité de la 1ere des deux diffusions au cinéma de Dax. Deux premières surprises m’attendent. Une des plus grandes salles du cinéma est pleine un mardi soir et le public est multi-générationnel. La deuxième, c’est que la séance est organisée par un représentant de la branche locale des Associations Familiales Catholiques. La surprise est vite passée lorsque le jeune présentateur raconte ses origines vendéennes et explique à juste titre l’intérêt que ce film, initialement pas prévu à la programmation, puisse aussi être visionné à Dax. 

Vaincre ou Mourir part avec trois immenses faiblesses. Premièrement, d’être produit par Nicolas de Villiers, fils de Philippe et président du Puy du Fou. Deuxièmement, de faire le pari de reprendre un pan de l’histoire surtout connu et honoré par une frange traditionnelle et noble de la société française (sans oublier les militaires) visant une région (la Vendée) restée très ancrée dans son histoire. Troisièmement, d’établir le lien avec le catholicisme avec, en plus, un récit qui part de l’œil « royaliste ». Pas très républicain tout ça, me direz-vous ! Un cocktail explosif pour la presse française généraliste qui avait déjà quelques gros a prioris sur ce film et qui y voyait sans doute déjà la patte idéologique du père de Villiers, pourtant retiré de la vie politique depuis plus d’une quinzaine d’années sans oublier Vincent Bolloré dont le groupe, Canal Plus, a participé à la production. La chronique d’une mort annoncée pour un film inspiré de faits historiques qui ne bénéficiera pas de la même indulgence critique qu’Indigènes, Dunkerque ou encore Tirailleurs, sorti il y a quelques semaines. « Tirailleurs », qui raconte l’enrôlement forcé de sénégalais dans l’armée française : comme les vendéens de l’époque. Quelle ironie que le pays qui glorifie depuis plus de 100 ans le seul village résistant d’Astérix aïe autant de mal à reconnaître qu’une région de France aie osé s’opposer à toute l’armée française. 

Vaincre ou Mourir : un film inspiré de faits réels

Commençons par ce qui est indiscutable. Il convient d’abord, pour un récit historique, de se poser la question. Le film est-il fidèle à ce qui s’est réellement passé il y a plus de 300 ans ? Sa description par ses réalisateurs, Vincent Mottez et Paul Mignot, peu susceptibles d’être étiquetés « cathos-royalistes-intégristes » :  » Vaincre ou mourir est un docu-fiction ». Comprenez un événement historique construit et scénarisé pour une diffusion au cinéma. La construction (notamment sur l’élaboration des dialogues) peut donc prendre certaines libertés mais le fond de l’histoire est supposé rester proche du déroulé historique. Les historiens qui interviennent au début du film sont des références difficilement discutables. Et nous rappellent qu’ils ne sont, très souvent, pas d’accord entre eux. Ce qui est indéniable, c’est que des révoltes en Vendée ont provoqué des affrontements entre les «  locaux » et l’armée française de l’époque. Et qu’il y a eu beaucoup de morts. N’étant pas historien, je n’irai pas plus loin : mais je ne suis pas sorti du film en me disant qu’il fallait un retour à la royauté en France et dissoudre le pouvoir en place. Les critiques affirmant que ce film peut avoir cette influence sur la société et la mettre en danger devraient arrêter le cinéma car dans tous nos films français et autres, il existe des partis pris et des positionnements idéologiques. Ont-ils une influence réelle et profonde sur la société et les citoyens : j’attend d’en avoir les preuves concrètes. 

Ce « nanard », comme décrit par certaines plumes, a été distribué dans peu de salles. Une statistique qui permet d’analyser différemment le succès réel d’un film est le ratio entre le nombre de copies (donc de salles où le film est diffusé) et son nombre d’entrées. Avatar 2, déjà plus gros succès de l’année 2023 et septième de tous les temps en France, dépasse les 1800 copies et a dépassé les 10 millions d’entrées. Avec ses 188 copies, Vaincre ou Mourir vient de dépasser les 270000 entrées avec une couverture presse bien moins importante qu’Astérix ou encore Alibi 2 et un budget de production limité (3,5 millions à comparer aux 18,4 d’Alibi 2 et aux …65 d’Astérix). Un succès populaire donc difficilement contestable au vu de sa faible distribution. 

Hugo Becker, armé sur mesure

Vaincre ou Mourir relate donc un pan de l’histoire oublié, régulièrement par ailleurs proposé et mis en scène dans les représentations du Puy du Fou. Évoquons d’abord la performance d’Hugo Becker. Sa voix off, caverneuse et irrégulière, est certes un peu étonnante, si ce n’est décevante : mais sa performance crève l’écran. Un héros, têtu, qui veut à tout prix se battre jusqu’au bout et qui ne veut rien lâcher. Héroïque mais paraissant parfois arrogant et insensible, il n’est pas le héros rêvé : mais juste un homme imparfait. Ceux qui l’ont vu dans « Au service de la France » seront surpris de le voir dans un tout autre registre. Il parvient à convaincre dans un rôle loin d’être simple à jouer.


Exception faite de Gilles Cohen, les autres acteurs ont un peu de mal à exister autour de Becker : mais Vaincre ou Mourir est de toutes façons focalisé sur François Athanase Charette de La Contrie, ancien officier de la marine (dont le rôle reste controversé) qui prendra la tête de la révolte vendéenne. On peut questionner les passages assez particuliers où le héros se retrouve dans une sorte de néant imaginaire qui pourrait être sa conscience ou son libre-arbitre. Ces ajouts ont-ils vraiment apporté une contribution quelconque à Vaincre ou Mourir ?
On peut aussi s’interroger sur le début du film : pourquoi mettre la parole de ces différents historiens pendant quelques minutes ? C’est un choix scénaristique inédit même si l’on considère l’appellation « docu-fiction » évoquée plus haut. Mais je ne suis pas certain de son intérêt réel : des simples écrits à la fin du film (comme cela se fait dans les productions historiques de ce genre) auraient très largement suffi. Ces quelques libertés ouvrent la porte aux critiques et viennent donner de l’ombre à ce qui est, selon moi, un très bon film ! 

Les signes et les citations religieuses sont nombreux et omniprésents dans Vaincre ou mourir : c’est indéniable. Est-ce une volonté idéologique ou politique ? Ou alors juste une description de la réalité de l’époque, où la religion catholique avait une influence et une place importante dans la société française ? Devrait-on laïciser une production historique, juste pour rentrer dans les clous actuels ? Chacun pourra se poser la question. Il n’empêche que le rôle de l’Eglise n’est ni glorifié, ni minimisé. « La foi n’est pas une cuirasse contre le métal » nous rappelle un des protagonistes ! 

Le rapport de la France à sa propre histoire

Le vrai mérite de ce film est de nous permettre de regarder l’histoire de notre pays et d’en parler. Comment la République, naissante à l’époque, a-t-elle géré cette révolte ? Les « bleus », l’armée française de l’époque, obéit aveuglément aux ordres venus d’en haut. Mais Charrette, héros du film, demande lui aussi une allégeance totale à ses hommes comme condition non-négociable pour en prendre la tête. Il finit, lui aussi, par abattre des prisonniers pour se mettre au même niveau que ses oppresseurs. Je n’ai pas senti dans ce film une volonté de réhabiliter à tout prix Charette : j’ai même trouvé assez juste de le décrire imparfait, égoïste mais aussi courageux et fier. Les producteurs avaient-ils pour volonté de refaire l’Histoire ? Non. Mais par contre, la connaître, en parler et ouvrir la discussion tout en laissant différentes sensibilités s’exprimer, si ce n’est exister, sans forcément s’en offusquer. Car la liberté d’expression, c’est aussi laisser le droit de parole et de citer à ceux avec qui nous ne sommes pas d’accord. Le positionnement affiché dans ce film est loin d’être négationniste ou politisé à l’extrême. C’est dommage et injuste de la part d’autres critiques de l’avoir vendu ainsi. Le mieux sera toujours de vous faire votre propre opinion.

La prochaine projection aura lieu le dimanche 26 février à 16h45 à Dax et sera suivie d’un débat. 

N’hésitez pas à partager cette chronique et à y apporter vos commentaires ! 

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