Le conflit entre l’Ukraine et la Russie sans oublier, le moins connu, entre le Maroc et l’Algérie, viennent nous rappeler comment l’appareil diplomatique est central mais aussi combien son modèle et ses fonctionnements semblent vétustes : certains dirigeants et pays s’affranchissant régulièrement de ses règles. Quelle est la solution ? C’est peut être la plus grande compagnie de catch américaine, la WWE, qui a des choses à nous apprendre.
L’inquiétude est à son comble après l’annonce de la reconnaissance de territoires séparatistes par la Russie et son président, Vladimir Poutine. L’intouchable dirigeant qui souffle le chaud et le froid depuis quelques semaines a “renversé la table”. Il fait fi de toute règle diplomatique élémentaire, puisqu’il avait sous-entendu qu’une rencontre avec son homologue ukrainien était possible, pour ensuite surprendre tout le monde, alliés comme opposants, en annonçant le soutien de l’armée russe pour ces régions séparatistes qui font pourtant partie de l’Ukraine. Cette manoeuvre, pourtant prévisible de la part d’un Poutine qui montre jour et nuit qu’il ne craint rien ni personne, n’a en réalité pas eu de réelles conséquences. Ils s’attendaient à des sanctions économiques. Nous savons que les Etats Unis n’enverront pas d’hommes sur place. L’OTAN, encore moins, pour un pays qui ne fait pas partie de ses membres. Les sanctions économiques auront-elles vraiment un effet ? Les Panama Papers ne sont que le dernier exemple de l’agilité des grandes entreprises pour gérer leur business hors-circuit. Quel avenir pour la diplomatie, telle que nous la connaissons ? Comment éviter d’entrer en guerre tout en préservant la paix aux frontières de l’Europe ? Car, et c’est là où la Russie sait ce qu’elle fait, personne ne veut entrer dans un conflit armé avec la Russie. Aucune puissance majeure ne souhaite rentrer en guerre alors que les Etats Unis et la France, pour ne citer qu’eux, sortent tout juste du Mali et de l’Afghanistan, où beaucoup jugent qu’ils ont échoué. Tous les acteurs demandent une sortie de crise diplomatique, inefficace jusqu’à maintenant, puisque Poutine marche sur le Donbass. Que faire, d’un point de vue diplomatique ?
La World Wrestling Entertainement (WWE), la plus grosse compagnie de catch américaine, a réussi un exploit étonnant avec une superpuissance mondiale : l’Arabie Saoudite. Bien des pays et des associations décrient la place de la femme dans la société saoudienne. Il y a encore quelques années, les femmes n’avaient même pas le droit de conduire ni de se déplacer seules. Pourtant, la France et les Etats-Unis, alliés du royaume pétrolier, ont bien essayé de changer les choses. L’évolution de la condition féminine avance à la vitesse d’un escargot. Pourtant, cela fait maintenant deux ans que la WWE propose des évènements à Jeddah. Et que les catcheuses y combattent. Il y a 4 ans, l’une d’entre elle avait simplement fait une rapide apparition : mais aucun combat féminin n’avait eu lieu. Dimanche dernier, trois combats féminins ont eu lieu. Certes, nous sommes loin des décolletés plongeants et des minis-shorts que l’on voit chaque semaine dans les compétitions de la WWE. Dimanche, les compétitrices sont sorties couvertes : mais sans voile. Les combinaisons restent très moulantes et le maquillage très présent. On est loin de la sobriété requise par une majorité de dignitaires saoudiens. Comment la WWE a-t-elle réussi cela ? Quand on sait que même les voyageuses venues de l’Occident doivent porter un voile en public ?
Les accords entre la multinationale et le royaume sont bien sûr tenus secrets, mais on peut deviner quelques éléments. Premièrement, pourquoi l’Arabie Saoudite accepte-t-elle qu’une puissance étrangère propose, à Jedda, une compétition où hommes et femmes sont sur un pied d’égalité ? Il n’y a qu’à voir l’excitation de la foule, certes principalement composée d’hommes mais avec des enfants et des femmes, dont certaines non-voilées. Le catch est un sport très populaire et très suivi par les citoyens, jeunes et vieux. L’Arabie Saoudite s’achète une conduite mais aussi une popularité auprès de ses habitants mais aussi des nombreux fans venus des pays voisins. Le “Jedda Super Dome”, qui affichait presque complet (35000 places!), est l’un des joyaux de l’Arabie Saoudite, possédant le plus grand dôme au monde, selon le Guinness Book of Records. La venue de l’une des plus grandes franchises sportives mondiales en son sein est donc tout à fait dans son intérêt : mais les pétro-dollars ne suffisaient-ils pas à la WWE ? D’ailleurs, quelques années de cela, des combats prestigieux de la WWE y avaient eu lieu mais ils étaient exclusivement masculins : l’argent gardant quand même une place importante. La franchise américaine a su se mettre à la table des négociations et aura réussi à faire plier les dirigeants saoudiens, pourtant réputés difficiles, sur la place des femmes et même mieux, sur la façon dont elles sont “montrées”. Laisser voir des femmes combatives et athlétiques dans un sport de combat était encore plus difficilement recevable de la part de dirigeants qui reconnaissent à peine la capacité d’une femme à être autonome ! Pourtant, la WWE a fini par obtenir gain de cause, notamment à cause de la popularité grandissante de ses athlètes féminins et de leur engagement pour la cause féminine qui a poussé la WWE à s’engager, elle aussi.
Je pense sincèrement que les dirigeants saoudiens, chinois et russes sont bien plus pragmatiques qu’idéologues. Beaucoup de leaders occidentaux, qui ont une réputation de gendarmes des droits de l’homme et de la démocratie à tenir, sont obligés de maintenir une position d’idéologue (même s’ils ne le sont pas). N’oublions pas le désir de beaucoup d’entre eux de se montrer en hommes d’Etat conquérants face à Poutine, ce mâle alpha craint de tous. Passer par le sport pour tenter de changer les mentalités de certains pays n’est pas chose aisée, comme nous le voyons avec la Chine et le Qatar pour les JO 2022 et la Coupe du Monde. Deux compétitions internationales organisées à la gloire et au sein de leurs pays respectifs tout en faisant fi de toutes les leçons de démocratie et d’humanisme venues d’ailleurs. La WWE l’a, pour sa part, démontré : ce n’est pas en faisant la morale à un pays que l’on fait bouger les lignes. C’est en faisant preuve d’intelligence mais aussi d’empathie. Les femmes qui ont combattu dimanche dernier sont restées féminines mais en respectant les us et coutumes du pays qui les accueillait. N’est-ce pas là un pas majeur ? Il était en tous cas plus important que plusieurs années de lobbying de différents pays qui achètent du pétrole au royaume pétrolier !
La manoeuvre de Poutine est de montrer qu’il n’a pas peur et qu’il peut agir en toute impunité. A nous, européens et américains, de savoir nous montrer crédibles et pragmatiques en sachant donner des gages intéressants à la Russie tout en sachant en demander. Plus facile à dire qu’à faire, me direz-vous. Mais face à le menace d’une pénurie d’énergie et de déplacements massifs de populations, on a plus vraiment le choix.