Une photo et d’un coup, le monde médiatique s’emballe. Chacun y va de son commentaire et surtout de sa théorie. En oubliant d’aller plus loin que des avis partisans sur un sujet bien plus profond que la personne d’Eric Zemmour.

Les partisans de Zemmour crient au scandale. Certains, fans de Fillon il y a quelques années, rappellent la proximité du président Macron avec quelques personnes bien-placées à Paris Match. Pour eux, il n’y a pas de doute : c’est une manoeuvre venant de l’Elysée pour décrédibiliser la candidature de l’ancien de Cnews. Les détracteurs du polémiste pensent, eux, que c’est Zemmour qui a tout manigancé avec Paris Match. Tout cela afin de donner une stature de présidentiable au futur candidat à l’Elysée. Qui dit vrai ? En tous cas, Zemmour continue à faire parler de lui et à être « the talk of the town ». On ne parle plus que de lui alors qu’il n’est même pas encore candidat. Mais personne ne soulève la question la plus importante et récurrente en temps de campagne
électorale : les frasques ou la vie privée d’une personnalité publique, qui plus est en période électorale, sont-elles vraiment importantes pour nous citoyens et déterminent-elles vraiment notre vote ? Systématiquement, la probité journalistique est remise en cause, sans que la profession ne s’en inquiète ou ne se penche sur ce désamour grandissant depuis plusieurs années entre citoyens et médias. Une partie importante de la population pense aujourd’hui que « les grands médias » sont à la solde du pouvoir politique. Il est ainsi devenu facile de dénigrer et de décrédibiliser tout travail journalistique puisque celui-ci a été fait pour nuire et non pas pour informer.
Il est justement temps que nous changions de boussole : nous journalistes, afin de redonner confiance à nos lecteurs, auditeurs et téléspectateurs. Notre simple parole ne suffit plus pour rassurer les personnes sur notre professionnalisme et sur notre engagement à informer sans propagande ou sans parti pris. Cela enclenche toute sorte de théories qui, in fine, mettent en péril le secteur déjà moribond de la presse lui-même. Combien de personnes ne regardent plus du tout la télé et ne lisent plus les journaux ? Combien ne se renseignent plus que sur des pages facebook ou des médias alternatifs comme celui de votre serviteur ?
Dans le cas d’Eric Zemmour, ou de tout autre politique, il faut un engagement clair de toute la profession. Soit la vie privée de tout politique, sans exception, est un « sujet » qui doit être traité et qui relève de la nécessité d’informer ou alors, la vie privée et les frasques des politiques ne sont pas traitées, puisqu’elles relèvent strictement de la vie privée du candidat et ne sont pas d’intérêt public. Quelque soit l’option choisie, il faut un cadre clair et un engagement de toute la profession de tenir parole. Ne pas hésiter à embarquer le SNJ (Syndicat National des Journalistes) et la Commission de la Carte de presse et délivrer un message sans ambiguité au public et aux politiques. Aujourd’hui, aucune sanction n’est prévue pour un journal ou un journaliste qui ne respecterait pas la Charte de Munich, qui devrait réguler le travail de tout professionnel de la presse écrite ou parlée.
Quelles mesures ? Penser à suspendre pour plusieurs mois la carte de presse d’un journaliste et les cartes de presse délivrées à un journal qui ne joueraient pas le jeu. Composer un jury, demandé par une partie de la profession depuis plusieurs années, pour statuer sur ces situations complexes. Car, il faut bien le comprendre : les médias qui publient ce type d’informations voient d’abord et avant tout les retombées financières énormes que peuvent susciter ce type de publication. Ce sont des mesures dures, difficiles à appliquer qui doivent être discernées. Elles sont cependant essentielles pour retrouver la confiance de la population. L’avenir de la presse en France en dépend.