Fabrice Eboué propose avec Barbaque une comédie regorgeant d’humour noir et grinçant. A mi-cheval entre un humour à la Dupontel et à la Simon Pegg, il signe une œuvre qui risque de faire rire, mais surtout de faire parler.
Lorsque Fabrice Eboué signe un film, on ne s’attend pas à de la délicatesse : que ce soit dans les mots, les gestes ou dans les scènes. Mais on ne s’attend pas à la vague de trash que nous propose Barbaque. Le film est gore. Nous ne sommes pas habitués, dans le cinéma français si bon enfant, et souvent avare de films d’horreur ou d’épouvante, à voir autant de sang. Sauf que… c’est Fabrice Eboué aux commandes. Ou plutôt à la machette. Si quelqu’un va voir ce film sans aucunement connaitre l’humoriste et l’avoir vu en spectacle, il prendra Barbaque pour un film de seconde zone à petit budget. Pourtant, c’est bien plus que ça.
La première remarque que l’on peut faire, c’est qu’un humoriste ose encore rire de tout. Eboué fait fi de toutes les susceptibilités potentielles et du politiquement correct. On pourrait croire à un fascicule anti-végan et anti-écolo. Pourtant, l’humoriste se moque de tout le monde, sans exception : de la petite et de la grande bourgeoisie un peu raciste, des écolos extrêmes, des viandards, de la jeunesse dorée qui fait feu de tout bois, des « complotistes », des « étrangers », des gendarmes, des obèses, les émissions sur les tueurs en série qui tous ont la fâcheuse tendance à avoir un prénom comme nom de famille… Nous en prenons tous pour notre grade ! Il répond à la radicalité par la radicalité dans l’humour et dans le trash. Ceux qui le connaissent savent que c’est sa marque de fabrique : traiter avec un humour sans gants les questions les plus sensibles en France aujourd’hui. Il n’est pas loin de réussir son pari, même si on peut regretter quelques longueurs dans le film et quelques « private jokes ».

On l’avait plus souvent vu et connu complice avec Thomas Ngijol. En sortant du film, on réalise que personne d’autre que Marina Foïs aurait pu mieux jouer ce rôle de femme ménopausée et manipulatrice, frustrée de ne plus être regardée et touchée par son époux. On retrouve, avec une certaine joie, l’humour absurde et pince sans-rire de l’humoriste qui hérite de son plus beau rôle dans une comédie depuis plusieurs années. Les fans des Robins des Bois et du film « Rrrrrrrr » seront servis. Elle fait un sans-faute et arrive à exister face à un Fabrice Eboué lui-aussi méconnaissable, dans le rôle d’un homme émasculé, frustré sexuellement, timide et peureux pourtant très amoureux de sa femme et prêt à tout pour elle.
On aurait pu arrêter la critique ici : pourtant, le réalisateur de 44 ans est allé beaucoup plus loin que d’habitude. Dans « Case Départ », « Coexister » ou dans le « Crocodile du Botswanga », le thème était assez clair et direct : l’esclavage et les dictateurs africains dont il se contentait de se moquer. Mais mine de rien, il touche à des sujets bien plus sérieux, de façon presque sobre et subtile. On sent que l’acteur a mûri dans les thématiques qu’il aborde : la sexualité dans un couple plus âgé. Comment retrouver la flamme dans son couple ? Ces potes bien plus riches qui rappellent sans cesse à leurs amis qu’ils ont beaucoup de moyens. Le « racisme ordinaire » et comment il peut se justifier par le prétexte ultime « mon meilleur ami est noir ». Et puis cette « cancel culture » qu’Eboué dit regretter et qui est, selon lui, un danger pour la gastronomie française et son histoire.
Pendant une bonne partie du film, les sourires grinçants et les « oooohhhhhhh » s’enchainent avec quelques fous rires, dépendant de la sensibilité de chacun. Jusqu’à ce qu’on se souvienne que « c’est pour rire ». Et on en a sérieusement besoin ! Bon film !